
La Machine à écrire, c’est moi
TOUT ME TOUCHE. Je suis touché par le moindre mouvement de vie. Je suis touché par l’affection des gens, touché par les incompréhensions, touché par la violence aveugle de mes contemporains, touché par les émotions douces ou cruelles, touché par un effleurement de peau ou par la micro bruine bretonne sur mon visage.
Tout l’univers me touche. Tout mon corps est un clavier, tellement sensible, émettant à son tour des notes de musiques intérieures, des chants d’amour, des chansons mélancoliques, des paroles sincères, et des cris sourds si profonds.
Alors, la machine à écrire est venue à moi. La plume d’un ange a effleuré mon esprit. Les touches du clavier sont devenus ma respiration quotidienne, mon souffle, ma joie, ma douleur. Je me suis livré, délivré de moi-même par l’écriture, par la mise en mots des maux, par la mise en musique de mes émotions. SE DIRE, se livrer, c’est déjà se guérir un peu.
Le flux est devenu si habituel, si tendre, si doux, comme une compagne de mes solitudes intérieures. Je me suis totalement abandonné à la machine à écrire, à son mouvement, à son rythme, à son dialogue, à son énergie. Je me suis oublié, je me suis effacé. Mon esprit, mon corps, mon essence intérieure sont devenus les touches d’un clavier magique, touchés par les doigts invisibles.
Parfois, j’ai fugacement pensé devenir un auteur, mais quelle prétention !!
C’est tout le contraire. Par la force impérieuse des accouchements à produire, de manière péremptoire et imposée depuis mes profondeurs, textes après textes, énergies après énergies, alchimie après alchimie, je suis devenu une machine… à écrire. Scribe d’un autre, scribe de l’invisible, devenu soi-même invisible, la Machine à écrire, c’est Moi.
la Machine à écrire, c’est Moi.
L’Univers s’amuse de ses mouvements de vie pour appuyer sur mes touches sensibles, pour me faire instrument de sa symphonie, pour simplement émettre des ondes, venues d’un autre monde.
L’écriture est une fécondation divine, un mécanisme organique, orgasmique, livre après livre, une mise en matière de la lumière, page après page, feuille après feuille, pour s’effeuiller comme un arbre, de soi.
En vase communiquant, chaque page écrite, chaque vibration de libération est une part de soi qui s’envole à jamais, une essence de soi de lumière, une goutte d’eau miraculeuse déversée sur le sol aride des peines du monde.
Comme pour se dire les uns vers les autres » … non, tu n’es pas seul, à te sentir si seul …nous sommes si nombreux… pose quelques mots, prend la plume, entre les lignes vibrent l’ Univers, entre les lignes vibrent mes soeurs et mes frères de lumière … »
© Jacky Le Faucheur